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Tension sur la production et les réseaux d’électricité : quelle suite face aux incertitudes énergétiques de cet hiver ?

Collectivité / Industriel

Tension sur la production et les réseaux d’électricité : quelle suite face aux incertitudes énergétiques de cet hiver ?

L’hiver 2021 – 2022 a été marqué par une forte tension sur la production et les réseaux d’électricité. La hausse des prix de l’énergie n’est que la partie émergée de l’iceberg. Sous fond de tensions géopolitiques, c’est l’indépendance énergétique de la France, et plus largement de l’Europe, qui est questionnée. La crise actuelle révèle la vulnérabilité des pays. La France n’est pas épargnée, malgré son choix du nucléaire.

Décarbonation. Sécurisation de l’approvisionnement. Réduction des gaz à effet de serre. Stabilité des prix de l’énergie. Indépendance énergétique. Ces objectifs sont-ils conciliables ? Les décisions prises récemment laissent à penser que non. Pourtant des solutions se dessinent à l’horizon. La crise est aussi l’opportunité d’une accélération et d’une meilleure coordination de la transition énergétique.

Les premières révélations de l’hiver 2021-2022

Une capacité nucléaire réduite

L’hiver 2021 – 2022 a mis en lumière les difficultés sous-jacentes de la filière nucléaire française. Depuis plusieurs années, la puissance nucléaire maximale injectée pendant l’hiver ne cesse de diminuer. Entre 2017 et 2022, elle a baissé de 10 000 MW.

En cause : la dégradation du parc nucléaire français. Cette année, 12 réacteurs ont été arrêtés en raison d’opérations de maintenance ou de défaillances techniques. La situation a été aggravée par la crise sanitaire qui a provoqué le décalage des travaux et des visites de contrôle.

Cette capacité réduite inquiète alors que la France continue de miser sur le nucléaire. Avec une production annuelle de 361 TWh, cette source d’énergie représentait 69% de la production d’électricité en 2021, selon RTE.

Une production thermique en rebond

Jusqu’en 2021, la production thermique fossile était relativement faible en France. Elle représentait en 2021 3,1 TWh. Elle connaît aujourd’hui un rebond sans précédent.

Production nucléaire insuffisante et importations sous tension ont conduit l’État à recourir aux centrales à charbon pour satisfaire la demande électrique. Le décret du 5 février a assoupli leurs limites d’utilisation pour les mois de janvier et février.

Selon Enerdigit, 2,4 TWh ont été produits par les centrales thermiques cet hiver. Cela représente une hausse de 66 % par rapport à l’hiver 2020-2021.

Des programmes de décarbonation remis en cause ?

Le choix de la France de recourir à l’énergie thermique est loin d’être unique en Europe. La guerre en Ukraine et les embargos sur le gaz russe ont bouleversé l’équilibre énergétique européen. Dans tous les pays, les centrales thermiques ont tourné à plein régime cet hiver. La France fait figure de bonne élève grâce au nucléaire et à sa politique de diversification des approvisionnements extérieurs. Le gaz russe ne représente que 17 % de ses importations.

Le bilan CO2 de l’hiver risque d’être lourd. Ce recours aux énergies fossiles polluantes va à l’encontre des programmes de décarbonation nationaux et européens. C’est aussi une remise en cause des engagements environnementaux et des mesures annoncées par l’Union Européenne le 14 juillet dernier. L’ambition est pourtant forte : diminuer de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Quelles solutions face à cette crise énergétique ?

Suite aux révélations alarmantes de l’hiver 2021 – 2022, une question se pose : est-il possible de concilier solutions à court terme face à la crise énergétique et respect des engagements environnementaux à moyen et long terme ?

Des propositions se dessinent. Si la France place le nucléaire au centre de sa stratégie énergétique, l’Europe répond avec le RePowerEu présenté le 18 mai dernier.

Renforcer la coordination européenne des politiques énergétiques

Les experts s’accordent pour dire que la solution à la crise énergétique réside dans une approche collective et coordonnée. Selon Michel Derdevet, ancien secrétaire général d’Enedis, les politiques nationales et les relations bilatérales ont montré leurs limites cet hiver. « Les interconnexions (…) sont clef en terme de sécurité et de résilience du modèle énergétique européen. » 

L’énergie a toujours été une question stratégique fondamentale pour l’Europe. Elle est à l’origine de la première communauté européenne, la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), ancêtre de l’Union Européenne. Et elle est inscrite dans l’article 194 du traité qui stipule que l’Union Européenne assure la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union.

Avec le RePowerEU, la Commission Européenne s’engage dans cette voie d’une plus forte coordination. Le chantier proposé est ambitieux. Il vise à s’affranchir des importations russes d’ici 2030, en misant sur les énergies renouvelables et en diversifiant les approvisionnements.

Développer les énergies renouvelables

Les tensions énergétiques révèlent aussi l’insuffisance des énergies renouvelables qui n’ont pu prendre le relais des autres sources d’énergie. Comme RTE le souligne, le mix énergétique n’a « pas été d’un grand secours cet hiver ».

La crise révèle l’urgence d’accélérer la transition énergétique en développant les énergies renouvelables, des sources locales, propres, bon marché et potentiellement illimitées. Les solutions photovoltaïques sont plébiscitées. Accessibles à tous, elles permettent à tous les acteurs – consommateurs, industriels, entreprises -, de participer à l’effort collectif.

Quid de la sobriété énergétique ?

La sobriété énergétique est une piste souvent négligée. Quand les capacités de production d’électricité diminuent, il y a deux alternatives : chercher de nouvelles sources de production ou agir sur la demande. C’est ce qu’a fait le Japon en 2011 après l’accident nucléaire de Fukushima. La demande finale d’électricité entre 2010 et 2013 a été réduite de 9,3 %.

Les consommateurs ont aussi un rôle majeur à jouer pour participer au changement de modèle énergétique.

L’hiver 2021 – 2022 a révélé les limites du système énergétique actuel et la lenteur du développement des énergies renouvelables. En optant pour des solutions pragmatiques à court terme, les pays mettent en péril les programmes de décarbonation et de mix énergétique. Cette crise met en lumière l’urgence d’accélérer la transition énergétique et le rôle central et majeur des énergies renouvelables, et notamment du photovoltaïque.

Sources :

https://enerdigit.fr/tensions-reseau-hiver-2021-2022/

https://www.transitionsenergies.com/nouveau-plan-nucleaire-france-histoire-se-repete/

https://www.tpe-mag.fr/le-nucleaire-une-solution-face-a-la-crise-energetique.html

https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/sur-le-long-terme-nous-aurons-besoin-a-la-fois-du-nucleaire-et-de-toutes-les-energies-renouvelables/

https://france.representation.ec.europa.eu/informations/repowereu-action-europeenne-conjointe-en-faveur-dune-energie-plus-abordable-plus-sure-et-plus-2022-03-08_fr